La clarté d'un mandat non clair...
M. Harper devra user de la plus grande prudence dans son nouveau mandat. Avec 123 sièges, il est encore plus minoritaire que Paul Martin, qui gouvernait avec une députation de 133 individus. De plus, son élection tient en bonne partie du mécontentement des électeurs envers les libéraux.
Les Conservateurs ont bien entendu changé d’image. S’ils avaient donné la même impression que lors des élections de juin 2004, ils auraient connu sensiblement le même sort cette année. Cependant, en aucun cas ils ne devront interpréter leur victoire comme étant une réelle volonté d’entreprendre un virage à droite majeur dans de nombreux dossiers. Mise à part un règlement probablement plus profond dans le cas du dossier du Québec, ce ne doit pas être un gouvernement de « révolution » (au sens québécois du terme)
En ce sens, le fait qu’ils aient une minorité de sièges sera le meilleur argument de Stephen Harper lorsque viendra le temps de modérer les députés « purs et durs » du conservatisme moral, issus de l’ancien Parti réformiste. Plusieurs d’entre eux attendent depuis fort longtemps la venue d’un gouvernement de droite afin de revenir « dans le droit chemin » en matière d’avortement, de mariage gai, et de peine de mort. Même chose en ce qui a trait à un éventuel rapprochement avec le gouvernement Bush.
La faiblesse du futur gouvernement Harper (la transition n’aura sans doute pas lieu avant deux semaines) rendra la prudence toute naturelle dans l’application de son programme. Les conservateurs ne pourront succomber à la tentation d’interpréter la fenêtre conjoncturelle dont ils ont bénéficié comme étant un « mandat clair » de faire d’importants changements sociaux.
En 2003, un certain Jean Charest avait fait cette erreur, et avait mal mesuré la proportion d’électeurs qui avaient voté davantage contre statu quo gouvernemental qu’en faveur de son programme électoral. Imaginez ce qui arriverait si Stephen Harper avait un gouvernement aussi majoritaire que Jean Charest, et qu’il engageait une importante révolution sociale, à la sauce réformiste, sous le couvert du mandat clair!
Mais rassurez vous, la différence séparant Stephen Harper de Jean Charest est qu'il est clair que son mandat est beaucoup moins clair... Vous me suivez?
MAF